• Voir toute la rubrique
  • Voir toute la rubrique

Je redoute les vacances

Joséphine Lebard
Publié le 11/07/2016 à 16:54 Modifié le 25/07/2016 à 18:22
Je redoute les vacances

Crainte du "vide", incapacité à décrocher, peur de ne pas passer des congés aussi réussis que l'entourage et la pression sociale semblent vouloir nous imposer... Il y en a pour qui l'approche des grandes vacances rime avec angoisse. Comment surmonter cette appréhension et profiter au mieux de ce break pourtant bien mérité ?

À 20 ans, Constance s’embarque pour l’été dans un tour d’Europe avec des amis. « Je n’ai pas dormi la nuit précédant le départ, se souvient la jeune femme. J’avais le ventre complètement noué, dix mille pensées catastrophistes qui me traversaient l’esprit. » Quinze ans plus tard, les choses ne se sont guère améliorées. « J’appréhende l’arrivée des congés, confie-t-elle. Je redoute tout ce temps libre… et vide. »

Je suis de nature active

De fait, à l’instar de Constance, certains répugnent à aborder les terres de l’oisiveté. « Ce rythme estival, plus nonchalant, ne convient pas forcément aux personnes les plus actives, confirme le psychiatre Dominique Servant, responsable de la consultation stress et anxiété du CHRU de Lille. Celles qui sont donc plus dans l’action que dans la sensation. » D’autant que le temps ainsi libéré peut ouvrir la voie de la rumination, le « vide » se prêtant fort bien au dressage de bilan pas toujours opportun. Pour Benjamin Lubszynski, thérapeute et coach, la culpabilité ne doit pas se superposer à l’angoisse. Et il n’est pas nécessaire de considérer ce besoin d’activité physique ou intellectuelle comme une « tare ». « Tout le monde n’a pas nécessairement pour ambition de se transformer en barbecue », plaisante-t-il, évoquant les irréductibles du bronzage sur la plage.

J’ai du mal à « m’arracher »

Abandonner les dossiers, accepter de « décrocher » pendant quelques semaines… Pour certains, il est douloureux de quitter une routine, « ce qui nous synchronise d’ordinaire », note Dominique Servant. Rompre avec ses habitudes demande un temps d’adaptation, et « la rupture avec l’activité ordinaire peut prendre plusieurs jours », estime le médecin. Cette difficulté à « abandonner » notre quotidien renvoie également à l’arrachement originel : celui de la naissance. Cela vaut peut-être la peine de rechercher comment celle-ci a été vécue en interrogeant nos parents.

A lire

Pour aller plus loin

Soigner le stress et l’anxiété par soi-même de Dominique Servant. Un guide pratique qui comporte, en annexe, une série d’exercices de relaxation. À glisser dans sa valise avant de partir en vacances (Odile Jacob, “Poches”).  

J’obéis à un impératif social

« Tu as “bien” bronzé ? » ; « Tu as “bien” nagé ? »… Ces questions posées à notre retour induisent une seule et même idée : nos vacances se doivent d’être « bien ». Les locations forcément paradisiaques de nos collègues et les photos de mer turquoise postées sur Facebook ou Instagram sont également là pour nous le rappeler sans cesse, et font peser sur nos congés une pression plus ou moins consciente… « C’est comme si nos séjours étaient porteurs d’une obligation de performance », souligne Benjamin Lubszynski. Entre une société qui promeut l’excellence dans tous les domaines et des réseaux sociaux qui subliment la réalité, il est facile de craindre de ne pas être à la hauteur. Et de redouter des vacances qui ne seront jamais « assez »…

Hiérarchisez vos priorités

L’angoisse peut naître du « coup de collier » que nous donnons juste avant de partir en congés et qui augmente le stress… au moment où il devrait commencer à diminuer. Pour le psychiatre Dominique Servant, quelques jours avant le départ, il convient de rationaliser : « Mieux vaut se concentrer sur les tâches les plus urgentes plutôt que de vouloir tout boucler en un après-midi. »

Méditez

À tous ceux que le farniente rend anxieux et dont l’angoisse se diffuse donc au long du séjour, Benjamin Lubszynski, thérapeute et coach, conseille de se livrer quotidiennement à des exercices de méditation. « Cela permet de faire d’une pierre deux coups, souligne-t-il. D’un côté, occuper ce temps qui nous inquiète, mais également apprendre à être dans le moment. »

Donnez du sens à vos congés

Pour échapper à l’angoisse, Benjamin Lubszynski propose de se poser la question de l’orientation que l’on souhaite donner à ses vacances. « L’industrie du tourisme sort de la dimension de masse, note-t-il, ce qui permet à chacun de faire plus facilement correspondre ses aspirations profondes avec son temps libre. » Agritourisme, séjour humanitaire, échappée culturelle ou vacances sportives… L’écoute de nos désirs profonds s’avère être le meilleur remède contre l’anxiété suscitée par l’été.

Testez-vous

La solution d’Estelle, 43 ans

« Mon mari n’aime rien tant que lézarder pendant ses vacances, alors que le vide estival m’angoisse. Nos premiers étés ensemble ont été cataclysmiques. Nous passions notre temps à nous disputer. Un jour, il m’a dit une phrase qui a agi comme un déclic : “Ce n’est pas grave de ne rien faire !” C’est là que j’ai compris ce qui clochait : les vacances avec mes parents ont toujours été extrêmement actives. Nous enchaînions les lieux, les visites… Du coup, je me sentais coupable. Petit à petit, j’ai quitté mes atours de petite fille modèle contre ceux de femme qui, en fait, apprécie de ne pas “rentabiliser” chaque seconde de temps libre. »