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Karine Boivin Forcier

Saguenay – Alors que le projet de loi présenté par le gouvernement québécois fin 2017 reste pratiquement muet sur la gestion de la consommation de cannabis en milieu de travail, les experts exhortent les employeurs à se préparer en établissant une politique claire.

« Il y a un vide au niveau des conséquences pour les employeurs. Qu’est-ce que vous devez faire pour être prêt? Nous on leur dit : comblez ce vide », indique, en entrevue avec Informe Affaires, Me Pierre Parent, avocat chez Cain Lamarre, qui offrira des formations sur le sujet. Il s’agit aussi de la principale recommandation qui ressort du guide Comment s’adapter à la légalisation du cannabis dans les milieux de travail réalisé par l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés (CRHA).

L’avocat spécialisé en droit du travail propose aux employeurs d’énoncer clairement les règlements concernant le cannabis, notamment l’interdiction de se présenter au travail sous l’effet de la drogue, de consommer pendant les heures de travail et de vendre ou de faire le trafic de cannabis sur les heures de travail, ainsi que les sanctions prévues en cas de violation de ces règlements.

La politique doit être adaptée en fonction de l’entreprise. Puisque l’employeur a l’obligation de protéger la santé et la sécurité de ses employés, une entreprise qui a des risques élevés en matière de santé et sécurité peut adopter une politique de tolérance zéro et des sanctions sévères pouvant aller jusqu’au congédiement. Une autre, où les risques sont moins élevés, pourrait prévoir des sanctions moins sévères. « L’idéal est d’avoir une politique écrite claire et communiquée à tous », précise Me Charles Wagner, CRHA et avocat chez Langlois avocats, qui a participé à l’élaboration du guide de l’Ordre des CRHA.

Dépistage difficile

Il n’est pas toujours facile de déceler les signes révélant qu’un employé est sous l’influence du cannabis. Me Wagner suggère fortement aux employeurs d’obtenir, pour eux et leurs employés, une formation auprès d’un professionnel de la santé au sujet des signes et effets de cette drogue.

Du côté des tests de dépistage, aucun d’entre eux ne peut actuellement déterminer avec certitude si la présence de cannabis présente un réel risque. Selon Me Pierre Parent, la science se dirige vers les tests salivaires, qui détectent la fumée inhalée par la bouche et donnent une indication du moment auquel remonte la consommation, jusqu’à six heures avant le test.

Toutefois, un employeur ne peut pas exiger d’un employé qu’il se soumette à un test de dépistage sous n’importe quel motif. « Tout est une question de motifs raisonnables. Ça peut être un ensemble de facteurs qui nous poussent à enclencher le dossier avec un employé. C’est souvent une addition de facteurs. […] La première étape, c’est de rencontrer le salarié », explique Me Parent.

Dépendance

Lorsqu’un employé consomme parce qu’il est aux prises avec une dépendance, l’employeur a une obligation d’accommodement, inscrite dans la Charte des droits et libertés de la personne, qui prévoit une protection contre la discrimination en fonction d’un handicap (incluant les dépendances). « La dépendance est une maladie. […] Il y a un aspect involontaire. On va traiter différemment quelqu’un qui a délibérément choisi de consommer sur l’heure du midi et qui n’a pas l’aspect de la maladie qui l’empêche de faire un choix éclairé [par rapport à quelqu’un de dépendant] », mentionne Me Parent.

L’obligation d’accommodement de l’employeur peut comprendre les congés maladie ou les absences pour des cures, la possibilité de muter l’employé dans d’autres fonctions, etc. L’employeur pourrait demander au salarié de suivre une cure de désintoxication. C’est seulement lorsque garder la personne dépendante en emploi devient une contrainte excessive que l’employeur pourrait le congédier (par exemple si la personne refuse de se soigner ou qu’elle fait des rechutes à répétition).

Outils

De plus en plus d’outils sont mis en place pour aider les employeurs à se préparer à la légalisation du cannabis. C’est un sujet qui interpelle beaucoup les entreprises actuellement, surtout que les études indiquent une augmentation de la consommation aux endroits où le cannabis a été légalisé. « On sent qu’il y a une volonté de travailler en amont. Et aussi des syndicats et des associations d’employés », affirme Me Charles Wagner.

Les employeurs qui veulent obtenir plus d’information sur la manière de se préparer à la légalisation du cannabis peuvent faire affaires avec un bureau d’avocat. Le guide publié par l’Ordre des CRHA est aussi disponible sur leur site Internet. Il contient de nombreuses informations, en plus de proposer des conseils pour l’élaboration d’une politique en la matière.

Au Saguenay–Lac-Saint-Jean, Cain Lamarre offre trois formations, dont deux sont encore à venir: le 6 février (Saguenay) et le 22 février (Saint-Félicien). « L’objectif qu’on a, c’est de permettre aux employeurs de s’inscrire à un coût intéressant […] et que les représentants des employeurs ressortent en sachant exactement à quoi s’en tenir sur les droits, les obligations et les responsabilités [liées à la légalisation du cannabis] », conclut Me Pierre Parent.

Inf : http://www.portailrh.org/Ressources/AZ/dossiers_speciaux/guidecannabis/default.aspx

http://evenement.cainlamarre.info/cannabis/

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