L’Université de Montréal s’attaque aux problèmes de santé au travail

  • Forum
  • Le 8 mai 2019

  • Dominique Nancy
L'Observatoire s'intéresse tout particulièrement aux besoins de trois groupes de travailleurs, soit les travailleurs de 50 ans et plus, les travailleurs en début de carrière et les travailleurs immigrants.

L'Observatoire s'intéresse tout particulièrement aux besoins de trois groupes de travailleurs, soit les travailleurs de 50 ans et plus, les travailleurs en début de carrière et les travailleurs immigrants.

Crédit : Getty

En 5 secondes

L’Observatoire sur la santé et le mieux-être au travail veut aider les organisations québécoises à prévenir les problèmes de santé mentale et physique auxquels sont confrontés les travailleurs.

Lucie, mère de deux enfants et secrétaire, est confinée dans un rôle peu reconnu et ressent de la frustration en plus du stress lié à ses contraintes familiales qui empiètent sur son travail.

Charles éprouve lui aussi de la détresse psychologique et présente des symptômes d’inefficacité professionnelle, car il y a des conflits au sein de son équipe et son supérieur n’est pas en mesure de régler la situation. Charles est irritable, consomme de plus en plus d’alcool et s’absente souvent de son travail.

Des problèmes de ce genre sont très fréquents chez les travailleurs. Charge de travail trop importante, changement d’équipe, faible latitude décisionnelle, manque de soutien des collègues et du superviseur, utilisation minimale des compétences des salariés, culture organisationnelle axée sur le contrôle… Les causes du stress sont nombreuses. Ses effets sur la santé physique aussi: hypertension, troubles musculosquelettiques, douleurs lombaires, maux de tête, fatigue intense, insomnie, etc. Ces problèmes sont responsables de nombreuses journées de travail perdues sans compter qu’ils se répercutent à long terme sur la santé mentale des travailleurs.

«Selon l’étude Salveo, près de 24 % des employés vivent de la détresse psychologique, tandis que 6 % souffrent de dépression et 4 % d’épuisement professionnel», affirme Alain Marchand, professeur à l’École de relations industrielles de l’Université de Montréal et directeur de l’Observatoire sur la santé et le mieux-être au travail (OSMET).

Pour aider les entreprises québécoises et canadiennes, en particulier les PME, à prévenir les problèmes de santé qui touchent la main-d’œuvre et à mieux intervenir auprès de leurs employés, la Faculté des arts et des sciences de l’Université, en partenariat avec l’Institut de recherche en santé publique de l’UdeM et l’École de relations industrielles, a mis sur pied l’OSMET et son guichet où les difficultés à facettes multiples pourront être résolues grâce à l’expertise de chercheurs reconnus dans leur domaine. «L’OSMET a pour objectif de mieux outiller les employeurs en vue de faire face aux problèmes de santé des travailleurs et d’accroître le bien-être des salariés. Notre guichet vise tout particulièrement à aider les entreprises à désigner les pratiques relatives à la gestion des ressources humaines les plus efficaces dans la prévention des problèmes de santé mentale et physique auxquels est confrontée la main-d’œuvre», dit Alain Marchand.

Le guichet de l’OSMET: une expertise en santé au travail

Ce service lancé en décembre 2018 s’adresse aux gestionnaires de ressources humaines au sein des organisations qui se posent des questions sur les problèmes de santé et le mieux-être au travail ainsi que sur les moyens les plus efficaces de les prévenir.

Pour Alain Marchand, la santé et le mieux-être est un concept très large. «On ne s’intéresse pas seulement aux problèmes qui relèvent de l’atteinte à la santé mentale des travailleurs, mais aussi à leur santé physique, dont l’obésité, les maladies cardiovasculaires et les troubles musculosquelettiques, mentionne le sociologue. Il s’agit de problèmes de santé publique importants.»

Sur les milliers de cas d’absentéisme au travail recensés en 2012 au Canada, la majorité sont dus au stress professionnel et aux problèmes de santé physique. Selon Le Conference Board du Canada, les pertes représentent 20,7 G$ du produit intérieur brut pour cette année-là et les prévisions pour 2030 s’élèveraient à 29,1 G$. «Le travail est un puissant déterminant de la santé! lance M. Marchand. Les besoins actuels sont criants et multiples, mais les données disponibles sur les meilleures pratiques sont rarissimes. D’où la création de l’OSMET et de son guichet aux entreprises.»

Comment fonctionne ce guichet au juste? «Les entreprises s’inscrivent sur notre site Web et sont invitées à nous poser des questions. Nous nous engageons à explorer la littérature scientifique afin de voir ce que la science dit relativement à la problématique, explique le chercheur. Cela peut concerner l’organisation du travail, les conditions de travail des salariés, les programmes d’aide aux employés ou encore les programmes de promotion de l’activité physique. Toutes nos réponses sont fondées sur des données probantes qui permettent aux gestionnaires d’intervenir efficacement selon le contexte et les ressources de leur entreprise.»

Par expérience, Alain Marchand sait qu’une relation de confiance est un gage de réussite. D’où l’importance pour l’équipe de l’OSMET de traiter directement avec les organisations, et ce, de manière confidentielle. Ce service de guichet est unique en son genre et pour l’instant offert gratuitement aux entreprises. «On est présentement dans la phase de démarrage, mais avec le temps certaines questions qui nous auront été posées et les solutions intéressantes qu’on aura trouvées permettront d’élaborer une base de données pour une meilleure prise en charge», indique M. Marchand.

Une mine d’informations

Alain Marchand, professeur à l’École de relations industrielles de l’Université de Montréal et directeur de l’Observatoire sur la santé et le mieux-être au travail.

Crédit : Amélie Philibert

Un catalogue des bonnes pratiques en matière de santé et mieux-être fondées sur des données scientifiques robustes sera également mis en ligne sous peu sur le site Web bilingue de l’OSMET.

On peut déjà accéder à un portrait de la santé des travailleurs canadiens depuis 2005. Les chercheurs de l’OSMET ont analysé les données de Statistique Canada afin de mieux comprendre la répartition des problèmes de santé que vivent les salariés. On y précise la prévalence des problèmes de santé mentale et de santé physique selon l’âge et le sexe.

Soulignons finalement que, pour réaliser ses objectifs, l’OSMET mène actuellement une importante étude auprès d’une cohorte de 5000 employés et 100 entreprises. «Cette cohorte sera suivie tous les ans sur une période de 5 ans, peut-on lire sur le site de l'Observatoire. Les données ainsi recueillies permettront de distinguer, dans le temps, les facteurs du travail et hors travail qui favorisent la santé et le mieux-être chez les personnes en emploi, et d’isoler les facteurs spécifiques à la situation des travailleurs de 50 ans et plus, à celle des travailleurs en début de carrière ainsi qu’à celle des travailleurs immigrants.» (Voir l’encadré «Trois groupes de travailleurs bien différents».)

L’OSMET a été mis sur pied grâce au soutien philanthropique de nombreux partenaires, dont les firmes Morneau Shepell, McKesson Canada, Croix Bleue Medavie et Pratt & Whitney.

Trois groupes de travailleurs bien différents

L’OSMET entend fournir des renseignements en matière de gestion de la santé et du mieux-être au travail axés tout particulièrement sur les besoins de trois groupes de travailleurs, soit les travailleurs de 50 ans et plus, les travailleurs en début de carrière et les travailleurs immigrants. 

Sur son site, on y apprend notamment que:

  • Avec le vieillissement de la population, les pressions sont fortes pour maintenir les personnes plus longtemps sur le marché du travail, tout en cherchant à prévenir la détérioration de leur santé à la retraite. Il est donc important d’établir, par exemple, pendant combien d’années des conditions de travail saines permettent de ralentir l’apparition de problèmes de santé.
  • Les travailleurs en début de carrière sont également un groupe vulnérable, car ils sont plus à risque d’éprouver des symptômes de détresse psychologique, de dépression et d’épuisement professionnel. Il apparaît pertinent et nécessaire d’agir concrètement afin d’accroître les chances qu’ils restent actifs plus longtemps sur le marché du travail et accèdent à la retraite dans un meilleur état de santé.
  • Les sociétés touchées par le vieillissement de la population recourent plus fortement à l’immigration pour combler leurs besoins en main-d’œuvre. Or, les connaissances sur les conditions de travail et les pratiques de gestion qui favorisent ou détériorent la santé mentale et physique des immigrants sont très limitées.

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