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À quand une baisse substantielle de l’inflation?

Depuis plusieurs mois, le taux d’inflation patauge dans les 7 %. Plusieurs se demandent maintenant ce qu'il faudra pour assister à une véritable baisse des prix à la consommation.

Un homme fait le plein.

Malgré le prix de l'essence qui baisse, l'inflation demeure élevée au Canada.

Photo : CBC News / Alex Lupul

Ceux qui espèrent une accalmie sur le front de l’inflation devront patienter. Il faudra attendre plusieurs mois avant de retourner à une situation normale et probablement passer par une bonne vieille récession, même limitée, pour y arriver. Rien de plus efficace que cet amer remède pour calmer la hausse des prix.

Cela fait maintenant quatre mois que l’inflation oscille autour de 7 % et, jusqu'ici, la hausse des taux d'intérêt n'a eu aucun effet sur elle, de quoi décourager de nombreux ménages, surtout ceux à faible revenu.

Plusieurs raisons peuvent expliquer cette stagnation. Tout d'abord, c'est qu'il faut parfois attendre plus d’un an et demi avant de voir les effets des politiques de la Banque du Canada sur l’économie.

Ensuite, et même si les prix de l’énergie ont baissé, les chaînes d’approvisionnement demeurent fragiles, la demande est excédentaire et la liste s'allonge, car plusieurs autres facteurs ont aussi un impact sur l’inflation.

Il y a la faiblesse du dollar canadien, par exemple. L’hiver, il y a un paquet de biens qui sont importés du Sud. Tout cela peut aussi jouer dans la balance, a assuré l’économiste et sénateur Clément Gignac en entrevue avec Radio-Canada.

Clément Gignac lors d'une entrevue sur Internet.

Clément Gignac, économiste et sénateur

Photo : Radio-Canada

Les employés ont aussi perdu beaucoup de leur pouvoir d’achat au cours des derniers mois et souhaitent naturellement avoir de meilleures conditions salariales. Or, avec la pénurie de main-d'œuvre, les employeurs n’ont pas eu le choix de hausser les salaires, notamment dans le secteur des services, ce qui a aussi un effet.

Je le dis souvent : même si les salaires ne sont pas à l'origine de la poussée de l’inflation, ils sont assurément une des causes qui expliquent pourquoi elle prend du temps à décélérer.

Une citation de Clément Gignac, économiste

L’inflation dans le secteur alimentaire demeure elle aussi toujours élevée (+11,4 % sur un an), ce qui amène son lot de questionnements. Par exemple, où va l'argent?

On sait que les coûts des intrants ont augmenté pendant un certain temps, mais là, le prix des céréales a diminué [et] on ne voit pas vraiment l’impact sur les prix. Il y a des acteurs dans la chaîne alimentaire qui s’en prennent trop, croit l’économiste Daniel Denis.

Et il craint que si l’inflation alimentaire demeure, elle n'aggrave les inégalités sociales et provoque de l'instabilité politique dans certains pays, ce qui, au bout du compte, aura un impact sur l’économie mondiale.

Cela peut créer des tensions sociales, notamment dans des pays en voie de développement. Il pourrait y avoir un effet boule de neige sur l’économie, analyse-t-il.

Donc, à quand la baisse?

Avec tous ces facteurs, il est donc difficile de statuer sur le moment exact d’une baisse substantielle des prix. À cette question qui nous touche tous, les économistes s’entendent toutefois pour dire qu’il faudra être patient. Cela pourrait se faire en quelques étapes.

Premier échelon : mars 2023. L’an passé à la même période, si on se rappelle bien, la guerre en Ukraine commençait. Très rapidement, les prix du pétrole et de plusieurs matières premières avaient augmenté. Un an plus tard, on pourra donc évaluer le chemin qu'il reste à parcourir pour revenir à la normale.

L’effet de la guerre en Ukraine va commencer à disparaître en mars prochain. À ce moment-là, on aura donc une meilleure lecture de ce qui nous restera d’inflation, croit Jean-René Ouellet, stratège en investissements et gestionnaire de portefeuilles chez Desjardins.

Passé ce cap important et malgré des variations mensuelles, l’inflation devrait tout de même nous accompagner encore pendant plusieurs mois et la baisse se fera graduellement.

Partir de 8 % et aller à 5,5 % ou à 5 %, ce bout-là, entre guillemets, ça ne se fait plus facilement. Mais là, passer de 5 % et s’en aller à 2 %, ça va être plus pénible, croit M. Gignac.

Ce premier plateau, celui de 5 %, devrait être atteint d’ici six mois, selon lui. C’est aussi l’avis de l’économiste Daniel Denis.

Je crois que les banques centrales auront du mal à atteindre leur objectif, la fourchette de 1 % à 3 % à la fin 2023, début 2024. Je pense qu’on va avoir une période avec un taux d’inflation un peu plus élevé du fait du secteur des services et des pressions du marché du travail, estime-t-il.

Au cours de l’année 2023, l’inflation devrait donc évoluer à l’extérieur de la fourchette souhaitée par la Banque du Canada.

On va peut-être connaître une période de taux de 3 % à 4 % un peu plus longtemps que ce qui est affirmé par les banques centrales, dit-il.

Le mot en R… salutaire?

Les économistes s’entendent tous sur un point : l’inflation pourrait être matée plus rapidement s’il y a une récession, probablement le moins grave des deux maux.

La récession touche une certaine catégorie de gens de façon temporaire, alors que l’inflation touche tout le monde, et ça frappe encore davantage les moins bien nantis. [...] C’est sûr qu’il sera difficile de retourner rapidement à une inflation à 2 % sans passer par ça : c’est comme faire une omelette sans casser des œufs, croit M. Gignac.

Un homme en veston-cravate.

Jean-René Ouellet, stratège en investissements et gestionnaire de portefeuilles chez Desjardins

Photo : Desjardins

Ça va prendre quoi pour casser l’inflation? Une récession, abonde Jean-René Ouellet. Elle devient comme un outil. [...] Étrangement, on va le célébrer, parce que la récession, à terme, fera baisser les taux d’intérêt : les gens qui avaient des hypothèques à taux variable vont avoir une bouffée d’air. Tant qu'on n'aura pas cassé l’inflation, les taux vont rester serrés.

Pour lui, il est crucial que le nombre de postes vacants diminue. Le contexte actuel de la hausse des salaires alimente la spirale inflationniste. Avec un ralentissement économique ou une récession, on pourrait même assister aux premières mises à pied dans certains secteurs.

Quand les promoteurs immobiliers auront complété leurs carnets de commandes existants, j’ai l’impression qu’on va commencer à voir des gens être congédiés. Mais la bonne nouvelle, c’est qu’il y a une bonne demande dans d’autres créneaux, dit M. Ouellet.

Au Québec, on a dix postes affichés pour six personnes qui ne travaillent pas. Alors, même si on perd des affichages de postes… D’un point de vue économique, des affichages de postes, ça ne gagne pas d’argent, ça ne fait pas vivre une famille, poursuit-il.

Secteurs en baisse

C’est également ce que croit Clément Gignac. Au cours des prochains mois, il faudra surveiller les pancartes Nous embauchons sur la devanture des entreprises. Elles risquent de disparaître dans certains créneaux.

Si les commandes ne sont pas au rendez-vous, les entreprises n’auront pas le choix de commencer à faire des mises à pied. On le voit avec les entreprises de la Silicon Valley et avec la baisse des dépenses publicitaires des annonceurs. C’est le premier poste discrétionnaire : quand ça ralentit, on coupe les dépenses en publicité, dit-il.

Dans l’intervalle, d’autres secteurs qui avaient connu un essor pendant la pandémie – en ajustant leurs prix en conséquence – vont revenir à la normale, et ce, à l’avantage des consommateurs.

Il y a des produits qui sont peu affectés par la hausse des taux, notamment les biens essentiels et des produits qu’on ne se procure pas par emprunts. Mais chez les concessionnaires automobiles, on va très certainement revoir des promotions avec des taux d'intérêt privilégiés, pense Daniel Denis.

Il y a des secteurs sensibles qui ne ralentissent pas : ils freinent brusquement! J’ai un détaillant de motoneiges qui m’a dit qu’ils ont des annulations de commandes tous les jours. Les clients disent : "Garde mon dépôt de 500 $ et je ne prendrai pas la motoneige." Il y a des signes évidents de décélération, constate M. Ouellet.

Jean-René Ouellet rappelle que selon un sondage récent, le pourcentage de Québécois qui estiment qu’il s’agit d’un bon moment pour faire un achat important est à son plus bas… depuis 2007. Il y a des gens qui tremblent, conclut-il.

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