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Capacité et mieux-être des cadres : catalyser leur pouvoir d’agir

Pour améliorer la performance des gestionnaires, on mise souvent sur leur motivation externe. Certes, il s’agit d’un facteur important, mais il faut prendre en compte les capacités de la personne afin de lui offrir le meilleur encadrement possible.
30 mai 2023
Ordre des conseillers en ressources humaines agréés

Comment est-il possible qu'un ou une gestionnaire puisse passer de « super-héros » à « super-zéro » ? Le contexte y joue pour beaucoup, tout comme les capacités du ou de la gestionnaire à naviguer dans la tempête. D’où l’importance de prendre en compte différents facteurs pour lui offrir l’accompagnement adéquat.

« Super-héros un jour, super-zéro pour toujours. » C’est avec ces mots qu’une gestionnaire du domaine de la santé a décrit sa situation à Nathalie Vachon, cofondatrice de My Career Forward et qui porte plusieurs chapeaux, dont celui de coach. « Auparavant, son expertise était reconnue, raconte-t-elle. Elle publiait dans des revues scientifiques. C’était une king dans son domaine. Mais l’arrivée d’un nouveau patron, qui prônait une approche de gestion plus traditionnelle que collaborative, a tout chamboulé. »

Une histoire qui l’a marquée. « Je trouvais triste de voir une personne avec beaucoup d’expérience, mais en un coup de dés, se retrouver sans soutien et sans appui dit-elle. Elle se disait que sa carrière était finie. Pour moi, cela montre à quel point la trajectoire d’un cadre peut être fragile, et comment un simple événement lié au contexte ou à l’environnement peut la faire dévier vers l’échec. »

Pour améliorer la performance des gestionnaires, on mise souvent sur leur motivation externe. Certes, il s’agit d’un facteur important, mais ce n’est qu’une partie de l’équation. D’où l’importance de remettre en question les moyens utilisés pour les soutenir dans leur carrière. « Pourquoi garder le cap uniquement sur la motivation externe, alors qu’on sait que leurs retombées sur l’efficacité au travail sont mitigées? Pourquoi offrir des formations à la carte, des ateliers inspirants? Oui, ça peut ouvrir la pensée, mais cela donne peu de résultats sur l’efficacité au travail », souligne Nathalie Vachon.

Mieux évaluer les forces en présence

C’est certainement l’une des raisons pour lesquelles Nathalie Vachon et Pascale Bouchard, CRHA, ont créé une certification et des instruments socio psychométriques pour accompagner les gestionnaires dans l’évolution de leur carrière.

Habituellement, les tests utilisés ne dressent que le profil des travailleurs et travailleuses, mentionne Pascale Bouchard. « C’est une photo dans le temps, par les traits de personnalité. Outre ces profils types, d’autres prédispositions psychologiques influencent aussi la capacité de réussir des gestionnaires, comme la façon dont chacun a d’exercer son contrôle interne ou de percevoir le monde », note-t-elle.

Des recherches récentes, dont celle de ces deux expertes, ont ainsi montré que le style d’attachement, un concept emprunté à la psychologie, a vraiment un pouvoir prédictif sur l’avancement de la carrière et la réussite professionnelle, précise aussi Pascale Bouchard. « Notre capacité relationnelle est l’une des clés pour assurer notre succès, alors que l’être humain travaille en collaboration, en synergie, toujours avec une dynamique individuelle. Donc, cette donnée offre un pouvoir prédictif beaucoup plus important qu’on ne le soupçonnait. »

Augmenter sa capacité d’agir

Pour aller plus loin, Nathalie Vachon et Pascale Bouchard estiment qu’il faut aussi analyser les différentes capacités des gens. « Pour avoir la capacité d’agir, il faut pouvoir compter sur son capital, c’est-à-dire la somme des ressources dont on dispose. Le plus connu, c’est peut-être le capital humain, soit le talent, le potentiel individuel, les compétences et l’expérience », précise Pascale Bouchard.

Autre critère : le capital relationnel ou social, un facteur souvent sous-estimé. « C’est très important pour développer non seulement son réseau, mais toutes les ressources dont la personne a besoin pour assurer son mieux-être, propulser sa carrière et être heureuse dans sa vie professionnelle. Car il ne faut pas oublier qu’on reste souvent au sein d’une entreprise parce qu’on aime l’équipe, qu’on y a développé des liens », rappelle la CRHA.

Enfin, le capital stratégique, c’est-à-dire les différentes stratégies employées pour se garder heureux au travail, ou tout simplement au boulot, compte aussi pour beaucoup, ajoute-t-elle. « C’est important de savoir ce que la personne a développé, pour nous aider à mieux l’outiller afin qu’elle prenne soin de son équilibre vie-travail par le déploiement de stratégies saines de maintien au travail. »

Cette analyse des différents types de capacités permet de comprendre si le ou la gestionnaire vit un déséquilibre, quelle sphère cela affecte et comment l’accompagner adéquatement pour qu’il ou elle puisse exploiter toutes ses ressources et se sentir mieux. « En fait, on regarde la personne dans son contexte, dans son environnement, pour aller chercher ces informations et repérer la présence de déséquilibres, explique Pascale Bouchard. Car certaines situations vont nous permettre d’utiliser toutes nos capacités, alors que d’autres non. »

Adopter une approche sur mesure

Ainsi, une personne qui occupe un poste de gestionnaire en ressources humaines pourrait avoir besoin de s’approprier un nouveau langage si elle passe du domaine de la santé à celui du droit, donne en exemple Nathalie Vachon. Pour apprendre à faire passer ses messages, elle devra alors se mettre en mode écoute et apprentissage. « J’ai aussi travaillé avec une gestionnaire très investie, qui consacrait de 60 à 70 heures par semaine à son travail. Nous avons fait des actions pour mieux mobiliser son équipe, qui était à sa remorque », décrit la conseillère d’orientation.

À l’inverse, quand les cadres sont en pleine possession de leur capacité, il faut alors leur donner les moyens de se propulser. « Devant un gestionnaire ayant du succès, on pourrait alors cibler des objectifs sur cinq ans et l’inviter à se greffer à certains comités pour développer un réseau de contacts et d’influence qui lui permettront de gravir les échelons », note-t-elle.

Bref, un bon processus d’accompagnement doit miser autant sur la conscientisation, que la compréhension ou l’activation des comportements. « Autrement dit, il faut activer la motivation interne du gestionnaire et trouver les stratégies appropriées pour la personne », résume Nathalie Vachon.

Voir la situation dans son ensemble

De la même manière, les organisations qui sont aux prises avec un ou une gestionnaire éprouvant certains problèmes de performance devraient prendre un pas de recul pour analyser le contexte global. Pour cela, il faut déterminer non seulement les enjeux organisationnels auxquels on se heurte, mais aussi les symptômes, comme l’absentéisme et la surcharge dans l’équipe, précise Pascal Bouchard.

Elle suggère ensuite d’établir un plan d’action individuel, mais aussi en équipe, pour améliorer la situation. Car, comme le veut l’adage, il vaut mieux prévenir que guérir. « Si l’on ne change pas les conditions, la même situation pourrait se répéter deux ans plus tard », prévient-elle.

« Plutôt que de bannir un cadre qui performe moins bien, on pourrait aussi le changer de contexte, d’environnement, pour voir si la situation s’améliore », conseille la spécialiste. Car ces éléments sont aussi importants dans le déploiement des capacités individuelles de cette personne et peuvent rompre l’équilibre parfois précaire construit au fil du temps.

« Un peu comme le battement d’ailes du papillon, un petit geste, dans un environnement chaotique, peut provoquer des changements inespérés dans l’écosystème, illustre la CRHA. Donc, un simple battement d’ailes pour aider un cadre à améliorer sa capacité d’agir peut avoir des résultats inespérés non seulement sur lui-même, mais aussi sur son équipe et sur l’évolution de l’organisation. »


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