Le harcèlement personnel en milieu de travail est devenu un « enjeu de santé publique » qui ferait des milliers de victimes chaque année au Québec, malgré les récentes campagnes de sensibilisation, de prévention et d’aide à la dénonciation.

C’est ce que soutient l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés (CRHA) à partir des résultats d’un sondage effectué il y a un mois, à la mi-décembre, auprès d’un millier de travailleurs et travailleuses dans divers secteurs d’activité au Québec.

Selon ce sondage, 11 % des travailleurs et travailleuses « affirment avoir été personnellement victimes de harcèlement en contexte de travail au cours de la dernière année », indique la direction de l’Ordre dans une communication effectuée jeudi, à quelques jours du début des audiences en commission parlementaire à Québec sur le projet de loi 42 « visant à prévenir et à combattre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel en milieu de travail ».

Ce projet de loi qui a été présenté en novembre dernier par le ministre du Travail, Jean Boulet, avait été « accueilli favorablement » par l’ordre professionnel qui regroupe quelque 12 000 conseillers en ressources humaines agréés du Québec.

Mais deux mois plus tard, et à quelques jours de sa comparution en commission parlementaire sur le projet de loi 42, l’Ordre des CRHA juge à propos de remettre dans le débat public les « répercussions dramatiques » du harcèlement personnel en milieu de travail, tant pour les victimes que pour leurs employeurs.

« Il n’est plus possible de se mettre la tête dans le sable. Les données démontrent que, malgré la prévention faite au sein des organisations, le harcèlement psychologique est d’une telle ampleur qu’on doit véritablement parler d’un enjeu de santé publique. Comme société, il faut en prendre acte et se donner les moyens d’agir plus vigoureusement », commente Manon Poirier, directrice générale de l’Ordre des CRHA, lors d’un entretien avec La Presse.

Selon l’analyse effectuée par l’Ordre, en transposant sur l’ensemble des 4,4 millions de travailleurs au Québec la proportion (11 %) des répondants au sondage qui « affirment avoir été personnellement victimes de harcèlement en contexte de travail », on estime aux environs de 484 000 le nombre de travailleurs « qui considéreraient avoir vécu du harcèlement au travail au cours des 12 derniers mois ».

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Manon Poirier, directrice générale de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés

Par ailleurs, en tenant compte du fait que « des experts consultés estiment qu’environ 20 % des plaintes pour harcèlement en milieu de travail s’avèrent légalement fondées », l’Ordre des CRHA estime qu’il y aurait chaque année « approximativement 96 800 victimes réelles » de harcèlement en milieu de travail.

Selon l’Ordre, « c’est bien plus que les 4909 demandes de recours déposées pour harcèlement à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) en 2022 ».

Entre-temps, selon un autre sondage effectué par l’Ordre des CRHA ces derniers jours auprès de 600 de ses membres professionnels, on indique avoir constaté qu’« une bonne majorité, soit 63 %, a eu l’an dernier au moins un signalement ou une plainte en matière de harcèlement » au sein de son organisation de travail.

Les points saillants du sondage

– 11 % des travailleurs ayant répondu au sondage « affirment avoir été personnellement victimes de harcèlement en contexte de travail au cours de la dernière année »

– Près du tiers (30 %) des répondants « ne savent pas si leur employeur a mis en place une politique de prévention du harcèlement psychologique ou sexuel et de traitement des plaintes tel que l’exige la loi »

– Un peu plus du quart (26 %) des répondants « ne sauraient pas à qui s’adresser au sein de leur organisation de travail » en situation de harcèlement personnel

– Presque le quart (24 %) d’entre eux disent n’être « pas sûrs que leur employeur prendrait leur plainte au sérieux et prendrait des mesures appropriées s’ils déposaient une plainte pour harcèlement »