Quand la spiritualité s’invite au travail

La thématique spirituelle est de plus en plus présente dans le milieu du travail, croit le coresponsable de l’école d’été Management, spiritualité et humanisation de l’Université Laval et professeur titulaire de la Faculté de théologie et de sciences religieuses, Guy Jobin.

Quelle est la place occupée par la spiritualité et les traditions religieuses dans la gestion des organisations? C’est ce à quoi l’école d’été Management, spiritualité et humanisation de l’Université Laval tente de répondre à travers des ateliers et des conférences au Monastère des Augustines, une première qui a lieu jusqu’à vendredi.


Depuis dimanche, 12 étudiants de différents horizons se réunissent dans le magnifique Monastère des Augustines. Dans une ambiance sereine, les étudiants en théologie, en sciences des religions, en sciences de l’administration et en études internationales suivent une semaine intensive de cours pour réfléchir sur les rapports complexes entre le monde de la gestion et l’univers spirituel.

«La mission de l’école d’été est d’essayer de comprendre comment les questions de la spiritualité et de la religion sont présentes dans le monde du travail aujourd’hui», explique la professeure agrégée au département de management de l’Université Laval et coresponsable de l’école d’été, Marie-France Lebouc. Plusieurs thèmes sont au programme : l’émergence du spirituel et du religieux dans les organisations au XXe siècle, la question des travailleurs migrants, les difficultés interculturelles, la déshumanisation, la bureaucratie et les transformations du rapport à la religion.

La thématique spirituelle est de plus en plus présente dans le milieu du travail, croit le coresponsable de l’école d’été et professeur titulaire de la Faculté de théologie et de sciences religieuses, Guy Jobin. «Que ce soit dans le monde de la santé, de l’éducation, de la bureaucratie et des affaires, les organisations ont tendance à intégrer les questions spirituelles pour garder un caractère humain au lieu de travail, aux relations avec les employés et aux relations de services qui sont offerts au public», observe-t-il. 

Ravie de passer la semaine dans cet environnement paisible, l’étudiante en administration Pascale Clavet-Mélançon souhaite approfondir sa réflexion sur la gestion des ressources humaines. «Je souhaite développer une façon d’organiser le travail qui peut contribuer à reconnaître l’aspect holistique, donc toutes les parties liées à l’humain, plutôt que d’être seulement orienté vers un but financier», indique-t-elle.

Pour ce faire, la spiritualité peut être un outil intéressant pour les employeurs. «Quand les gens ne trouvent plus de sens à leur travail, ils ne sont plus motivés. Ça pose des problèmes énormes aux organisations, car elles vont perdre de la productivité», explique Marie-France Lebouc. Pour elle, restituer du sens au travail en instrumentalisant la spiritualité peut aider les organisations à gérer leurs problèmes de roulement de personnel, de diminution de l’engagement et de baisse de motivation. 

Même constat pour le doctorant en théologie Jonah Randria, qui a tenu une conférence sur la déshumanisation au travail. Selon lui, 40 % des Québécois ont eu un moment d’épuisement dans leur travail. «La spiritualité est intéressante pour le management parce qu’on vit dans un univers quantifiable. Tout ce qui est question de spécificité et compassion n’est pas mesurable, donc on a besoin de spiritualité pour intégrer la personne dans son organisation en tant qu’être humain», observe-t-il.

La place de la spiritualité

Qu’ils suivent ce cours par curiosité ou pour alléger leur session d’automne, les étudiants sont fascinés par les découvertes qu’ils font. «J’ai appris qu’il y a des valeurs spirituelles qui sont ancrées dans nos pratiques de management», souligne l’étudiante en études internationales et langues modernes Ariane Mallick-Pilon. Même son de cloche chez Camille Berthiaume-Trépanier, qui étudie dans le même programme. «J’étais étonnée de voir que la spiritualité prenait autant d’ampleur dans la vie de gens en 2019», constate-t-elle.

Cette école d’été apporte une nouvelle perspective sur la gestion d’organisation à l’étudiante à la maîtrise en sciences de l’administration, développement des personnes et des organisations Katherine Bernier-Vachon. «En administration, on a une certaine vision et c’est plus gestionnaire. Je trouve ça intéressant de voir la part des autres», indique-t-elle.

Cette réflexion sur la relation entre le management et la spiritualité est un phénomène de plus en plus populaire. «On voit dans les universités américaines, et un peu dans le monde francophone, l’émergence de programme d’administration et religion. C’est un champ de recherche assez actif depuis une vingtaine d’années», explique M. Jobin.

Les responsables de l’école d’été souhaitaient, eux aussi, créer un programme unique au Québec. Il s’agit de la première école d’été de l’Université Laval organisée par deux disciplines, soit la Faculté des sciences de l’administration et la Faculté de théologie et de sciences religieuses. «La spiritualité et le management au Québec sont des concepts qu’on évite de mélanger dans un espace laïque. L’avantage de cette école d’été est de prendre le risque de relier ces différents concepts», constate Jonah Randria. Les responsables espèrent qu’ils pourront faire une deuxième édition.