L’incertitude plane sur les organisations depuis le début de la guerre tarifaire avec les États-Unis. Pour les gestionnaires, ce contexte peut complexifier la prise de décision et la planification financière.

En tant que partenaire en ressources humaines, nous vous invitons à lire l’article rédigé par notre collaborateur David Dupuis, économiste, afin de cultiver plus de prévisibilité au sein de votre organisation.

 

 

La guerre tarifaire frappe : ce qu’il faut savoir

Les PME québécoises sont un important maillon de l’écosystème entrepreneurial au pays. Elles représentent plus de 90 % des entreprises et contribuent largement à l’emploi et à l’innovation. Toutefois, leur taille et le manque de ressources mobilisables les rendent vulnérables aux chocs externes.

Les guerres tarifaires ne font pas exception. Quand Ottawa et Washington s’affrontent à coups de droits de douane, ce sont souvent les PME qui se retrouvent en première ligne, avec peu de marge de manœuvre pour absorber les coûts ou s’adapter rapidement.

Que faire dans cette situation? Voici quelques pistes de réflexion afin de développer la résilience de vos organisations.

 

Comprendre la situation

Une guerre tarifaire survient lorsqu’un pays impose des droits de douane sur certains produits importés et que son partenaire commercial répond en appliquant à son tour des mesures similaires.

L’objectif officiel est souvent de « protéger » une industrie nationale jugée stratégique mais, dans les faits, ces guerres tarifaires créent beaucoup d’incertitude et font grimper les coûts pour les entreprises de part et d’autre de la frontière. Une situation sous-optimale du point de vue strictement économique.

Dans un contexte canadien, l’histoire récente montre que les États-Unis n’hésitent pas à cibler des secteurs comme l’acier, l’aluminium, le bois d’œuvre ou certains produits agricoles. En réaction, le Canada impose des contre-mesures sur une gamme de produits américains, allant de la nourriture aux biens de consommation courante.

Contrairement aux grandes entreprises qui disposent de services juridiques et d’équipes spécialisées en commerce international, la majorité des PME québécoises n’ont pas les ressources pour analyser en continu les politiques tarifaires. Elles découvrent souvent les changements après coup, au moment où elles reçoivent une facture d’importation gonflée ou lorsqu’un client américain annule une commande parce que les prix « tarifés » sont devenus prohibitifs.

Cette asymétrie d’information est un premier défi majeur : les PME réagissent généralement en mode « pompier », alors qu’il faudrait idéalement anticiper les risques et s’en prémunir autant que possible.

 

L’accès au marché américain menacé

Pour de nombreuses PME exportatrices, les États-Unis sont le premier marché extérieur, et la plupart du temps le seul. Autrefois, la proximité géographique, linguistique et culturelle était un atout indéniable. Cependant, en temps de guerre commerciale, elle devient un point faible, voire un talon d’Achille.

Si vos produits se retrouvent frappés par des droits additionnels de 10, 20 ou même 25 %, vous devenez soudainement moins compétitif face à des fournisseurs locaux ou étrangers non ciblés. Un contrat chèrement acquis peut disparaître du jour au lendemain, sans que vous puissiez réagir.

Heureusement, le Canada ne semble pas avoir perdu son positionnement concurrentiel vis-à-vis des autres économies. L’Accord Canada – États-Unis – Mexique (ACEUM) continue de jouer son rôle. Cependant, les marchandises d’une valeur de 800$ ou moins ne sont plus exemptes de droits de douane lorsqu’elles entrent aux États-Unis. Cela est le résultat d’un décret adopté le 29 août dernier et qui pourrait faire très mal aux PME.

N’hésitez pas à négocier avec vos clients américains le partage des augmentations de coûts, surtout si vous proposez un produit ou un service niché.

 

L’impact sur les coûts de production

Beaucoup d’entreprises québécoises, même celles qui n’exportent pas, dépendent d’intrants importés des États-Unis : pièces mécaniques, produits chimiques, machines-outils, équipements informatiques. Une hausse tarifaire peut rapidement gruger les marges bénéficiaires déjà limitées.

La guerre tarifaire entraîne une complexité administrative croissante : retards à la frontière, formalités supplémentaires, risques de litiges douaniers. Ces coûts cachés affectent particulièrement les petites entreprises, qui disposent de moins de ressources pour y faire face.

 

Les chaînes d’approvisionnement fragilisées

Une guerre tarifaire ne se limite pas à la hausse des prix. Elle perturbe les chaînes logistiques et a le pouvoir d’affecter même les entreprises qui se croient complètement isolées du commerce international.

Les délais aux postes frontaliers augmentent, la planification devient plus compliquée et l’incertitude réduit la confiance entre partenaires.

Les entreprises d’ici, qui travaillent souvent avec des marges de trésorerie limitées, ne peuvent pas se permettre de stocker des inventaires importants pour compenser ces délais. Le « juste-à-temps » qui fonctionne bien en temps normal devient risqué en période de tensions commerciales et le « juste-au-cas » n’est souvent pas une option.

 

Des opportunités malgré tout

Il ne faut pas voir la guerre tarifaire uniquement comme une menace. Pour certaines PME, elle peut créer un espace de manœuvre. Par exemple, si les produits américains deviennent plus chers au Canada en raison des contre-tarifs, cela peut ouvrir une fenêtre pour les producteurs locaux et leur permettre de gagner des parts de marché.

Le projet de loi C-5 piloté par le gouvernement Carney vise d’ailleurs à faciliter l’accès, pour les PME, à l’ensemble du marché canadien. Un marché unique peut améliorer notre compétitivité mondiale, favoriser la croissance économique, et renforcer la souveraineté et la résilience nationales.

Attention, ce ne sera pas magique. Remplacer un concurrent américain sur le marché canadien exige rapidité, capacité de production et stratégie marketing adaptée, ce qui n’est pas toujours simple.

 

Restez à l’affût des programmes de soutien

Historiquement, les gouvernements canadien et québécois ont mis en place des programmes pour aider les entreprises touchées par des guerres tarifaires : crédits d’impôt, subventions, fonds de soutien sectoriels, mission commerciale, soutien à la diversification des marchés.

Exportations et développement Canada (EDC), Affaires mondiales Canada et son Service des délégués commerciaux du Canada (SDC), la Banque de développement du Canada (BDC), Investissement Québec (IQ), le ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie (MEIE) et les Manufacturiers et exportateurs du Québec (MEQ) sont autant d’organismes ayant pour mandat de vous accompagner dans le développement de vos affaires à l’étranger, tant du point de vue du financement, du réseautage que de l’expertise. Informez-vous.

 

En résumé

Face à une guerre tarifaire, une PME ne peut pas tout contrôler, mais elle peut mettre en place certaines stratégies permettant de réduire le risque :

  1. Surveiller l’information : s’abonner aux bulletins des chambres de commerce, suivre les communiqués gouvernementaux, consulter régulièrement les publications d’Exportation et développement Canada (EDC) ou d’Affaires mondiales Canada.
  2. Diversifier les fournisseurs : éviter de dépendre exclusivement des intrants américains en cherchant des alternatives locales ou internationales.
  3. Explorer d’autres marchés : l’Europe et l’Asie représentent des débouchés potentiels grâce aux accords de libre-échange conclus par le Canada. Ce dernier est le seul pays du G7 à avoir signé un accord commercial avec chacun des autres membres du G7 — un avantage stratégique à considérer.
  4. Négocier avec les clients : expliquer la situation et voir s’il est possible de partager les hausses de coûts plutôt que de les absorber seul.
  5. Collaborer avec d’autres PME : se regrouper pour mutualiser l’information, partager des ressources logistiques ou faire pression collectivement sur les décideurs.

Auteur : David Dupuis, économiste et conférencier

Ce texte ne constitue pas un avis professionnel. Les lecteurs ne devraient pas agir sur la seule foi des informations qui y sont contenues.